Né dans le Frioul dans les années 70, Andrea Berton s’est formé dans la brigade de Gualtiero Marchesi puis s’est perfectionné dans les meilleurs restaurants du monde, de Londres à Florence, en passant par Monte Carlo chez Alain Ducasse. “Découvert” par le public en 2005, grâce à sa collaboration avec le Ristorante Trussardi à la Scala – où il a obtenu 2 étoiles Michelin et de nombreux prix – pour Berton, le “tournant” a eu lieu en 2013 quand il a ouvert son premier restaurant à Milan Restaurant Berton Piazza Gae Aulenti où il a reçu une étoile Michelin un an après son inauguration. Nommé ambassadeur de l’EXPO en mars 2015, Berton ne s’arrête plus ! Ces dernières années, le chef frioulan a multiplié les projets et les collaborations : en 2016, il a commencé sa collaboration avec Il Sereno, un luxueux resort sur le lac de Côme, où il a ouvert le restaurant “Berton Al Lago” (une étoile Michelin) ; en 2017, toujours avec les partenaires avec lesquels il avait ouvert le DRY Milano Cocktail & Pizza, Berton inaugure le Nouveau Milano DRY, à Viale Vittorio Veneto. La même année, il lance une collaboration exclusive avec les hôtels Sofitel MGallery et avec le restaurant Palazzo Gourmet du Club Med à Cefalù. Cerise sur le gâteau, en 2018, Berton s’est vu décerner le prix Pommery de l’assiette de l’année par le “ Guida Ristoranti d’Italia 2019 pour ses lasagnes al Piccione (Lasagnes au Pigeon).

Wakapedia’s Andrea Berton

Avant même de toucher nos cœurs (ou plutôt nos palais) avec ses plats, Andrea Berton fascine par son allure, son élégance et son amabilité. Très grand (1,95 m, on ne vous parle pas de la difficulté pour lui faire la bise), élancé, une démarche fière et une élocution équilibrée, Berton vous fait penser à un homme d’affaires en costume et cravate, mais sa veste blanche de chef nous rappelle sa grande passion depuis son enfance : la cuisine. Nous l’avons rencontré dans le restaurant qui porte son nom sur la Piazza Gae Aulenti de Milan, un quartier récent, à quelques pas de la gare de Garibaldi, où le chef a choisi sans hésitation d’installer son premier restaurant. “ Tous les jours, je passais devant le chantier de Porta Nuova Varesine et je pensais : mon restaurant y verra le jour ”. Et le choix n’est pas fortuit : Andrea Berton est un homme pragmatique, mais qui regarde vers l’avenir ; et ce nouveau quartier de Milan – au caractère futuriste et linéaire avec ses gratte-ciel et ses grandes fenêtres – représente bien le style du chef et sa cuisine. Qualité, élégance, netteté et équilibre. Quatre mots qui qualifient à la fois l’homme et le chef. Précision et simplicité ne sont pas synonymes d’ennui et de prévisibilité, au contraire, avec Berton les nouvelles idées et les surprises ne manquent pas : comme son risotto à la pizza (oui !), apparemment un peu fou, mais qui surprend agréablement les papilles…. Que dire, nous espérons que cet entretien aura le même effet sur vous et, surtout, vous mettra l’eau à la bouche !

Wakapedia: Bonjour chef Andrea Berton, merci d’avoir accepté notre demande d’interview ! Um…je ne sais pas si vous connaissez notre site, nous préférons ne pas nous perdre dans des formalités inutiles, donc tout de suite la première question : pouvons-nous vous tutoyer ?

Berton: Bien sûr, aucun problème!

Wakapedia: (soupir de soulagement) Soyons honnêtes, nous ne savons pas grand-chose de ta carrière à part ton séjour à Milan au restaurant Trussardi. Désolée ! Mais nous avons toujours un grand désir d’apprendre de nouvelles choses ! Peux-tu nous raconter ton histoire depuis le début ?

Berton: Avec plaisir ! Ma passion pour la cuisine a commencé quand j’étais enfant. Quand je mangeais au restaurant avec mes parents, j’allais toujours regarder vers la porte de la cuisine. J’aimais observer les gestes des cuisiniers, la façon dont ils manipulaient les ingrédients et les outils à leur disposition. J’ai donc étudié sur le terrain et, une fois sorti de l’école, j’ai tout de suite voulu “me salir les mains” et je me suis mis directement au travail. Et pas n’importe où, mais chez Gualtiero Marchesi ! C’était en 1989, il y a de nombreuses années.

Wakapedia: Et donc tu commences ta carrière de businessm…de businesschef !

Berton: Que veux-tu dire ?

Wakapedia: Chez Wakapedia, nous sommes convaincus que même avec une veste et une cravate, tu serais parfait ! Tu es beau, grand et tu ressembles à un PDG de grande entreprise !

Berton: Ahahahahah…. bien, mais j’aime porter le tablier blanc bien plus que la veste et la cravate ! A l’époque, le restaurant Marchesi était au top du top et c’est là que j’ai voulu commencer pour comprendre rapidement si la restauration était vraiment faite pour moi.

Wakapedia: Le grand Marchesi, l’un des interviewés préférés de l’équipe ! Sa disparition fut un grand choc… (silence) Nous sommes curieux ; peux-tu nous expliquer comment tu as fait pour qu’il t’engage dès la fin de tes études ? Es-tu un enfant prodigue ou as-tu eu beaucoup de chance ?

Berton: Hahahaha, disons un peu des deux ! À l’école, j’ai rencontré un garçon plus âgé qui avait travaillé chez lui et qui m’a un peu aidé. Il m’a présenté au chef de Marchesi de l’époque, un français, pour un entretien. Je me souviens encore très bien de tous les détails. C’était un jeudi après-midi, il était environ 15h30. Le chef m’a fait entrer dans son bureau, je lui ai dit que je voulais travailler à tout prix chez eux et il m’a expliqué que pour être accepté, il fallait avoir un certain parcours, des expériences… Je devais laisser mon CV, et ils me tiendraient au courant (célèbre phrase pour dire, ​Ciao​ !).

Wakapedia: Et voilà ! Toujours cette histoire de CV ! Donc toi aussi tu confirmes que quelque soit le secteur c’est toujours pareil !

Berton: Et bien oui ! Mais je n’avais pas de CV, je venais de finir mes études ! Les yeux lui sont sortis de la tête et il était prêt à me renvoyer chez moi, mais le destin a voulu que Gualtiero Marchesi entre dans le bureau à ce moment précis. Je n’ai pas loupé le coche, je me suis présenté et je lui ai dit que je pouvais commencer à travailler tout de suite. Et Gualtiero dit au chef : “En avons-nous besoin ? Essaye, et si ça ne marche pas, renvoie-le chez lui !”

Wakapedia: Ahahahahah!

Berton: bref, j’ai tellement cassé les pieds que le chef m’a fait commencer 1 heure après notre entrevue. Parfois, l’obstination ça paie ! (rires). Et à partir de là a commencé une collaboration de 8 ans avec Marchesi.

Wakapedia: Quelle personne merveilleuse… vraiment un GRAND MARCHESI ! Peux-tu dire que sa cuisine t’a influencé ?

Berton: Bien sûr, il m’a influencé. Je lui ai emprunté le culte de la simplicité, de la netteté dans l’assiette. Puis j’ai décliné ces enseignements à ma façon, mais il est indéniable que c’était une base, un modèle.

Wakapedia: Comment ta cuisine a-t-elle évolué depuis ?

Berton: Ma cuisine évolue chaque jour, selon les saisons, la société. Mais il y a une philosophie qui m’a toujours accompagné et c’est le désir de proposer une gastronomie pure, des plats au goût clair. C’est comme ça depuis le début, depuis ma première étoile Michelin quand je travaillais à la Taverna di Colloredo à Monte Albano, dans le Frioul. Là, la cuisine était très liée au terroir, assez simple dans l’élaboration des plats. C’était ma première expérience, je m’affirmais, j’étais concret. Mais aujourd’hui, je n’ai pas peur, grâce à la chimie et à la science, de créer de nouvelles sensations surprenantes. J’ai commencé avec une cuisine de qualité mais classique, maintenant j’essaie beaucoup plus ; pour vous donner un exemple, je combine poisson et réglisse !

Wakapedia: Mmm, on a déjà l’eau à la bouche. Où as-tu travaillé avant d’arriver ici ?

Berton: Après le Frioul, j’ai été chef à Albereta avec Marchesi pendant 3 ans. Ce fut une période intense avec de nombreuses rencontres importantes, de nombreux voyages : nous sommes partis avec Costa Crociere, nous avons organisé des dîners pour de grandes réunions. Mais mon but était d’aller à Milan. Et je l’ai fait, quand j’avais 34 ans.

Wakapedia: Avec Trussardi ?

Berton: E​xactement. Ils voulaient prendre un tournant avec le restaurant de la Scala, j’ai accepté avec plaisir et c’était une expérience enrichissante. Après Trussardi, j’ai décidé d’ouvrir mon propre restaurant. Je cherchais un endroit vierge, sans histoire, mais avec un avenir à écrire. Nous avons trouvé cette zone qui commençait à se construire (près de l’actuelle Piazza Gae Aulenti)… et en 2013 j’ai ouvert le restaurant qui porte mon nom. Lorsque nous l’avons ouvert, nous étions vraiment au milieu d’un chantier de construction avec une grue ! C’était un risque, mais ça s’est très bien passé. Si bien que 3 ans plus tard j’ai ouvert un autre restaurant sur le lac de Côme, “Berton al lago“, et je gère aussi le restaurant du resort “Sereno“. Puis j’ai commencé une belle collaboration avec le Club Med à Cefalù et j’ai ouvert avec mes partenaires un nouveau DRY Milano, Viale Vittorio Veneto. Bref, j’ai six projets à mon actif, mais je ne m’arrête pas là !

Wakapedia: On te l’a dit ! Tu es un grand homme d’affaires ! Mais parlons d’art maintenant…. Comment définirais-tu la relation art-cuisine ?

Berton: L’art est très important pour moi car il montre des formes qui peuvent contaminer la cuisine. J’ai appris à apprécier l’art aux côtés de Marchesi, cela m’a vraiment ouvert un monde que je ne connaissais pas. Je vais vous raconter une anecdote particulière : à l’Albereta, à la fin du service, Marchesi m’appelait dans son bureau et me parlait d’art, de culture, de vie vécue jusque tard dans la nuit. Ce furent des moments de grand partage et ils m’ont beaucoup enrichi sur le plan culturel.

Wakapedia: Même pour toi, c’était un peu comme un grand-père qui te racontait des contes de fées avant d’aller au lit ! (rires)

Berton: J’ai aussi beaucoup appris d’un autre chef, Alain Ducasse, avec qui j’ai travaillé pendant quatre ans à Monte-Carlo. Même là, c’était très formateur, j’ai tout de suite senti que sa façon de penser, de faire la cuisine, me correspondait parfaitement. Cela m’a fait comprendre l’importance d’organiser le travail de façon méthodique, de gérer, de tout contrôler… une méthode de gestion infaillible que j’ai essayé de reproduire.

Wakapedia: Et il semble que cela a fonctionné vu l’empire que tu as construit. On peut t’offrir une veste et une cravate ?! Parce qu’on aimerait te voir avec ce look. Et nous ne sommes pas les seuls, je suppose ! (rires)

Berton: Ahah, merci mais je préfère ma veste blanche de chef !

Wakapedia: Ahahah, on aura essayé ! Dernière question : que penses-tu du Japon ?

Berton: J’y étais en novembre dernier et ce fut une expérience incroyable. Le Japon est vraiment un pays unique et je suis tombé amoureux de sa culture, de son éducation, de son sens de l’hospitalité… et bien sûr de sa cuisine !

Wakapedia: Il y a des influences japonaises dans ta cuisine ?

Berton: Bien sûr que si ! Je me suis particulièrement inspiré de la pureté, de la rigueur et du minimalisme de la cuisine japonaise, qui est sans doute l’une des gastronomies les plus intéressantes pour moi. Dans mon dernier menu, j’utilise beaucoup de bouillon. Je l’ennoblis et en fait un vrai plat. Il y a sans doute une contamination de la cuisine japonaise, même si je n’oublie jamais mes origines italiennes.

Wakapedia: Où manges-tu quand tu vas au Japon ?

Berton: Une chose que je ne manque jamais, c’est de manger des sushis dans les vrais Sushi-Kan traditionnels, où il y a une quinzaine de couverts, vous vous asseyez au comptoir et vous pouvez regarder le chef préparer des sushis avec des gestes précis et un grand calme. Le charme du geste, du goût…. le tout dans un lieu caché et intime. C’est un plaisir à chaque fois !

Wakapedia: Et un restaurant que tu recommandes ici en Italie ?

Berton: Les miens bien sûr !

Wakapedia: Comme tout bon businessman, ton produit sinon rien !! (rires) Qu’en penses-tu, on passe à table ?

Berton: Bien sûr ! Maintenant que j’ai tout dit je laisse mes plats parler pour moi !

(rires)

 

Description & Interview: Sara Waka

Edited by: Camille Brunet